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L’Ontario a un système de surveillance des maladies par les eaux usées qui est loué à l’échelle mondiale. Pourquoi la province le ferme-t-elle?

[Traduit de l’anglais]

Depuis trois ans, Alexandra Johnston commence sa journée de travail en prenant la pioche qui se trouve dans le coffre de sa voiture.

C’est son outil de prédilection pour ouvrir les plaques d’égout – une tâche qu’elle a démontrée avec une facilité éprouvée la semaine dernière lors d’une visite de son programme d’échantillonnage des eaux usées à Toronto.

Portant un masque chirurgical et des gants, Mme Johnston a écarté le lourd couvercle, puis a saisi le fil de pêche fixé en dessous. Après avoir remonté quelques mètres de fil, elle a montré sa prise : un tampon humide et dégoulinant qu’elle avait placé là la veille.

Sa coéquipière, Claire Gibbs, est rapidement intervenue avec un sac en plastique pré-étiqueté pour capturer l’échantillon chargé d’eaux usées. À l’aide de ciseaux, Mme Gibbs a habilement coupé la ligne, scellé le sac et l’a rangé dans le coffre comme élément de la livraison du jour.

Dans les rues et sur les trottoirs très fréquentés de la ville, où il n’est pas possible d’installer un matériel d’échantillonnage plus sophistiqué, les tampons se sont révélés idéaux pour capturer des traces de ce qui passe dans les canalisations d’égout en contrebas, y compris des virus pathogènes.

« Ils ne coûtent pas cher et sont assez stériles, c’est donc une solution facile », explique Mme Johnston, technicienne des eaux usées à l’Université métropolitaine de Toronto (TMU), où les échantillons qu’elle et Mme Gibbs ont recueillis seront analysés plus tard dans la journée.

Bon marché et facile sont les mots clés d’un programme provincial qui a commencé par un effort local de la part de chercheurs universitaires pour détecter la COVID-19 dans leurs communautés et qui s’est depuis transformé en un puissant outil de collecte de données pour le suivi d’une série de menaces pour la santé. Les partisans de ce programme, qui a coûté entre 10 et 15 millions de dollars par an depuis son lancement en 2020, affirment qu’il s’agit d’un système d’alerte précoce qui peut réduire les infections et les visites à l’hôpital, permettant ainsi d’économiser l’argent qui serait autrement dépensé pour les soins aux patients.

Nullement convaincu par ces arguments, l’Ontario met brutalement fin à son initiative de surveillance des eaux usées cette semaine, au grand dam des chercheurs de 13 universités et instituts de recherche qui ont contribué à la mise en place du programme, et de nombreux autres qui utilisent les données qu’il fournit.

« Nous comptons sur ce système depuis quelques années », a déclaré Sharon Straus, spécialiste en médecine gériatrique et médecin-chef à l’hôpital St. Michael’s de Toronto. « C’est vraiment pénible de savoir que cela va s’arrêter ».

Ce sentiment est partagé par plusieurs experts en santé et participants qui ont dit au Globe and Mail qu’ils étaient stupéfaits lorsque la nouvelle a été publiée le mois dernier que le programme était en voie de démantèlement à la fin de juillet, deux mois avant l’expiration de son budget actuel.

Leur réaction reflète la déception de voir la province abandonner une stratégie de santé publique qu’elle a contribué à mettre en place et qui est désormais adoptée au niveau mondial comme un pilier essentiel de la préparation aux pandémies.

Les arguments scientifiques en faveur de la surveillance des eaux usées sont simples : Si la plupart des personnes qui tombent malades ne vont pas chez le médecin, elles vont aux toilettes. Ce faisant, elles libèrent des débris génétiques de virus et d’autres agents infectieux qui révèlent les souches en circulation.

Comparée aux tests cliniques, cette méthode est non invasive et impartiale, offrant des données opportunes sur la dynamique de la maladie qu’il serait impossible d’obtenir à partir des seuls cas signalés. Bien que le programme mis en place dans l’ensemble de l’Ontario continue de fonctionner comme une mesure de surveillance de la COVID-19, il a également été utilisé pour suivre la variole, le VRS et la grippe, avec la capacité de passer rapidement à d’autres agents pathogènes en cas de besoin.

S’il existe des arguments scientifiques en faveur de l’annulation de l’initiative, la province ne les a pas présentés.